"Ceux qui ont quatre yeux" : discours sorcellaires et distinctions de genre chez les Éwé du Sud-Ouest du Togo
- Desq, Coline (1994-....) (2021)
Thèse
Accès restreint
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- "Ceux qui ont quatre yeux" : discours sorcellaires et distinctions de genre chez les Éwé du Sud-Ouest du Togo
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- "Those with four eyes" : witchcraft-related speech and gender distinctions among the Ewe of Southwestern Togo
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- 22 novembre 2021
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- Sorcellerie
- Éwé
- Togo
- Genre
- Pentecôtisme
- Discours
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- Witchcraft
- Ewe
- Togo
- Gender
- Pentecostalism
- Speech
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Dans le village d’Hanyigba-Todzi, au Sud-Ouest du Togo, en pays éwé, les discours sorcellaires, émis sur et depuis les positions d’ensorcelé, de sorcier et de contre-sorcier, personnages toujours ambigus, alternent entre propos flous et affirmations nettes mais réversibles. Ces discours ont moins pour but de désigner des sorciers que d’entretenir la malléabilité de l’interprétation sorcellaire qui est telle que chacun peut, sur la base des mêmes critères, être considéré sorcier ou ensorcelé. Ainsi, il est toujours possible de négocier sa place dans l’espace social, sans être acculé à une position de coupable ou de victime.
Or, au cœur de ce travail discursif, malgré cette fluidité et la particularité des circonstances et des acteurs concernés, apparaissent des récurrences révélatrices de distinctions de genre. Les femmes sont plutôt affectées dans leur capacité génésique et les hommes dans leur mobilité, physique et sociale, par les attaques sorcellaires qui s’attachent finalement à « bloquer » l’accomplissement social, au masculin et au féminin. Les accusations sorcellaires envers les femmes, des commerçantes surtout, leur reprochent de chercher à accumuler trop d’argent, alors que celles envers les hommes critiquent leur attrait pour le pouvoir. Ainsi, dans une perspective de genre, il ressort quatre principaux thèmes autour desquels les discours sorcellaires gravitent : la capacité génésique, la mobilité, l’argent et le pouvoir.
Par ailleurs, les discours des sorciers et sorcières révèlent les différences entre le mode sorcellaire masculin, qui suppose la manipulation d’objets et de paroles de manière exhibée, et le féminin, immatériel et dissimulé. Les pratiques des contre-sorciers, devin-guérisseurs, pasteurs et prêtres-exorcistes, peuvent elles-aussi être analysées au regard de ces deux modes sorcellaires, les accusations sorcellaires mutuelles que se lancent les contre-sorciers révélant de surcroît une forte concurrence entre différents « dispositifs de guérison ».
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Dans le village d’Hanyigba-Todzi, au Sud-Ouest du Togo, en pays éwé, les discours sorcellaires, émis sur et depuis les positions d’ensorcelé, de sorcier et de contre-sorcier, personnages toujours ambigus, alternent entre propos flous et affirmations nettes mais réversibles. Ces discours ont moins pour but de désigner des sorciers que d’entretenir la malléabilité de l’interprétation sorcellaire qui est telle que chacun peut, sur la base des mêmes critères, être considéré sorcier ou ensorcelé. Ainsi, il est toujours possible de négocier sa place dans l’espace social, sans être acculé à une position de coupable ou de victime.
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In the village of Hanyigba-Todzi, in Ewe country in southwestern Togo, witchcraft-related speech, regarding or uttered from the positions of the bewitched, the witch or the witchcraft healer, all of which are highly ambiguous, alternates between vague, ambiguous statements and clear but reversible assertions. Such talk acts less to designate witches than to uphold the flexibility of witchcraft interpretations such that everyone, on the basis of the same criteria, can be considered to be bewitched or to be themselves a witch. It is thus always possible to negotiate one's place in the social arena without having to take on the role of either the victim or the guilty party.
However, at the heart of this discursive work, despite this fluidity and the variability of the circumstances and the actors involved, are recurrences that reveal gender distinctions.
Witchcraft is taken to “block” female and male social accomplishment in different ways: women tend to be affected in their reproductive abilities, while men are hindered in their physical and social mobility. Witchcraft accusations against women, especially shopkeepers, blame them for seeking to accumulate too much money, while those against men criticize their attraction to power. Thus, from a gender perspective, witchcraft talk revolves around four main themes: reproductive capacity, mobility, money and power.
The discourse of those accused of witchcraft also reveals a contrast between a masculine mode entailing the displayed manipulation of objects and words, and an immaterial, more clandestine feminine mode. The practices of witchcraft healers – diviners, pastors and priest-exorcists – can also be related to these two modes, their accusations of each other revealing, moreover, a keen rivalry between different modes of healing.
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In the village of Hanyigba-Todzi, in Ewe country in southwestern Togo, witchcraft-related speech, regarding or uttered from the positions of the bewitched, the witch or the witchcraft healer, all of which are highly ambiguous, alternates between vague, ambiguous statements and clear but reversible assertions. Such talk acts less to designate witches than to uphold the flexibility of witchcraft interpretations such that everyone, on the basis of the same criteria, can be considered to be bewitched or to be themselves a witch. It is thus always possible to negotiate one's place in the social arena without having to take on the role of either the victim or the guilty party.
Citation bibliographique
Desq, Coline (1994-....) (2021), "Ceux qui ont quatre yeux" : discours sorcellaires et distinctions de genre chez les Éwé du Sud-Ouest du Togo [Thèse]