De l'antihumanisme théorique au matérialisme aléatoire : Louis Althusser et la déconstruction du marxisme
- Montenegro, Vicente (1986-....) (2022)
Thèse
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- De l'antihumanisme théorique au matérialisme aléatoire : Louis Althusser et la déconstruction du marxisme
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- From theoretical antihumanism to aleatory materialism : Louis Althusser and the deconstruction of marxism
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- 5 mai 2022
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- Antihumanisme
- Marxisme
- Déconstruction
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- Antihumanism
- Marxism
- Deconstruction
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- La fécondité du programme d’enquête lancé par Louis Althusser au milieu des années 1960 se voit à présent revivifiée par les multiples écrits publiés de manière posthume, ainsi que par un ensemble croisant des études critiques consacrés à ce qu’autrefois on a pu appeler l’« althussérisme » ou le « marxisme structuraliste » d’Althusser. Cette recherche propose une nouvelle lecture du travail d’Althusser, en avançant la thèse selon laquelle ce travail prend la forme d’une « déconstruction du marxisme ». De ce point de vue, le dialogue avec l’œuvre de Jacques Derrida est fondamental, car il y a plus d’une affinité (et plus d’un écart) entre antihumanisme théorique et déconstruction de la métaphysique. Mais il ne s’agit pas d’une thèse sur le « rapport » entre Althusser et Derrida (rapport de longue date : d’abord un rapport universitaire en tant que professeur et élève à l’ENS, puis rapport professionnel en tant que collègues, rapport qui très vite devient un rapport d’amitié qui s’étendra pendant plus de 20 ans). Bien que ce rapport soit évoqué constamment et parfois même imaginé au long de notre recherche, il ne s’agit pas à proprement parler d’une thèse sur le rapport entre Althusser et Derrida. L’objet de cette recherche consiste à une reconstruction du travail d’Althusser comme travail de déconstruction, c’est-à-dire comme travail stratégique de « critique », transformation et de « refonte » des philosophèmes fondamentaux de la théorie marxiste. Dans une première partie, nous prenons comme chantier d’analyse ce qu’Althusser lui-même appelât « la querelle de l’humanisme ». Nous essayons de reconstruire les antécédents et les enjeux de l’intervention d’Althusser au milieu des années 1960, à partir d’une lecture de la « Lettre sur l’humanisme » de Heidegger et de l’influence de ce texte sur le milieu français. Nous examinons également la lecture réalisée par Kojève et Hyppolite de la philosophie de Hegel, et comment ces deux lectures « fondatrices » du « hégélianisme » en France ont marqué les premiers pas philosophiques d’Althusser, et tout particulièrement sa position théorique face au problème du rapport entre Marx et Hegel. Suivant une mode d’exposition « didactique », nous analysons en détail la thèse althussérienne de l’humanisme théorique de Marx, la thèse de l’antihumanisme théorique, et la thèse de la coupure épistémologique. Comprise comme « coupure continuée », la coupure est fondamentalement une coupure avec l’humanisme et de manière privilégiée avec la dialectique hégélienne. Or, cette coupure ne se fait pas par simple « renversement », mais suivant au contraire un travail de « transformation des structures de la dialectique ». La deuxième partie de notre recherche aborde alors le travail de déconstruction lui-même, depuis l’« antihumanisme théorique » jusqu’à la thèse du « matérialisme aléatoire ». Sans vouloir suggérer aucune progression téléologique de son parcours intellectuel, nous accordons une attention particulière à la série de concepts qu’Althusser produit tout au long de son travail : un nouveau concept de dialectique (la « surdétermination »), un nouveau concept de totalité sociale (le « tout structuré à dominante »), un nouveau concept d’histoire (la « temporalité différentielle »), le concept de « procès sans sujet », une nouvelle « topique » (la théorie de l’interpellation idéologique), et le concept de la rencontre (ou le « matérialisme aléatoire »). Suivant toujours une stratégie philosophique particulière — inspirée avant tout par Spinoza, mais aussi par Lénine, Machiavel, et Derrida (un pensée « sous la conjoncture » qui doit en même temps occuper « la place de l’impossible ») —, Althusser mène alors un véritable travail de déconstruction, où les catégories d’origine, essence, sujet, ou téléologie sont l’objet d’une critique destructrice qui par un même mouvement (ou par un mouvement double) produit les éléments théoriques nécessaires pour forger nouveaux concepts qui vont prendre leur place.
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- The fruitfulness of the research program inaugurated by Louis Althusser in the midst of the 1960s is now revivified by the numerous writings published posthumously, as well as by a growing body of critical studies devoted to what we once called “althusserianism” or the “structuralist Marxism” of Althusser. This research offers a new reading of Althusser’s theoretical work, advancing the thesis that this work takes the form of a “deconstruction of Marxism”. From this point of view, the dialogue with the work of Jacques Derrida is fundamental, because there is more than one affinity (as well as more than one difference) between theoretical anti-humanism and the deconstruction of metaphysics. But it is not necessarily a thesis on the “relationship” between Althusser and Derrida (a long-standing relationship: first a college relationship as a professor and student at the ENS, then a professional relationship as colleagues, a relationship which very quickly becomes a relationship of friendship which will extend for over 20 years). Although this relationship is constantly mentioned and sometimes even imagined throughout this research, it is not a thesis on the relationship between Althusser and Derrida. The object of this research consists rather in a reconstruction of Althusser’s work as a work of deconstruction, this is to say as a strategic work of “criticism”, “transformation” and “recasting” of the fundamental philosophèmes of Marxist theory. In the first part, we take as a field of analysis in this regard, what Althusser himself called “the humanist controversy”. We attempt to reconstruct the premises and challenges of Althusser’s intervention in the mid-1960s, starting with a reading of Heidegger’s “Letter on Humanism” and the influence of this text on the French milieu. We also examine Kojève and Hyppolite’s readings of Hegel’s philosophy, and how these two “founding” readings of “Hegelianism” in France marked Althusser’s first philosophical steps, and in particular his theoretical position vis-à-vis the problem of the relationship between Marx and Hegel. Following a “didactic” mode of exposition, we analyze the Althusserian thesis of Marx’s theoretical humanism, the thesis of theoretical antihumanism, and the thesis of the epistemological break. As a “continual break”, the break is fundamentally a break with humanism and foremost with the Hegelian dialectic. However, this break is not made by simple “reversal”, but on the contrary following a work of “transformation of the structures of the dialectic”. The second part of our research then addresses the work of deconstruction itself, from “theoretical anti-humanism” to the thesis of “aleatory materialism”. Without willing to suggest any teleological progression of his intellectual career, we pay particular attention to the series of concepts that Althusser produces throughout his work: a new concept of dialectics (or “overdetermination”), a new concept of social totality (the “structure in dominance”), a new concept of history (“differential temporality”), the concept of “process without a subject”, a new “topography” (the theory of ideological interpellation), and the concept of the encounter (or the “aleatory materialism”). Always following a particular philosophical strategy — inspired above all by Spinoza, but also by Lenin, Machiavelli, and Derrida (a thought “under the conjuncture” which must at the same time occupy “the place of the impossible”) — Althusser then carries out a real work of deconstruction, where the categories of origin, essence, subject, or teleology are the object of a destructive criticism which by the same movement (or by a double movement) produces the theoretical elements necessary to forge new concepts that will take their place.
Citation bibliographique
Montenegro, Vicente (1986-....) (2022), De l'antihumanisme théorique au matérialisme aléatoire : Louis Althusser et la déconstruction du marxisme [Thèse]