Est-ce vraiment « juste une blague » ? Effet du groupe ciblé, des préjugés et de l’adhésion aux stéréotypes sur la perception de l’humour de dénigrement : une approche expérimentale
- Facca, Léo (1991-....) (2023)
Thèse
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- Est-ce vraiment « juste une blague » ? Effet du groupe ciblé, des préjugés et de l’adhésion aux stéréotypes sur la perception de l’humour de dénigrement : une approche expérimentale
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- Is it really "just a joke" ? Effect of the targeted group, prejudice, and stereotypes endorsement on the perception of disparagement humor : an experimental approach
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- 24 mars 2023
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- Humour de dénigrement
- Fenêtre normative des préjugés
- Stéréotypes
- Préjugés
- Sexisme ambivalent
- SCIATP
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- Disparagement humor
- Normative window of prejudice
- Stereotypes
- Prejudice
- Ambivalent sexism
- SCIATP
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L’humour de dénigrement (e.g., humours raciste, sexiste) est une forme de communication destinée à faire rire ou sourire qui rabaisse, dénigre ou diffame une cible donnée (Ford & Ferguson, 2004) en se basant majoritairement sur les stéréotypes pour faire rire (Mallett et al., 2016). Naturellement ambivalente, cette forme d’humour communique un message de dénigrement explicite associé à un message implicite qui suggère que ce message doit être pris d’une manière légère (Ford et al., 2017). Si elle peut permettre de remettre en cause le statu quo ou de souligner l’absurdité des stéréotypes et préjugés (Miller et al., 2019), ses effets sont majoritairement négatifs. Elle véhicule et renforce les stéréotypes et favorise l’expression des préjugés (Ford & Ferguson, 2004), contribue à la tolérance envers la discrimination (Ford et al., 2014) et augmente les comportements discriminatoires (Thomae & Viki, 2013). Il semblerait que ces effets soient avérés uniquement sur des groupes envers lesquels l'acceptabilité sociale de l'expression des préjugés est ambivalente (i.e., appartenant à la fenêtre normative des préjugés ; Mendiburo-Seguel & Ford, 2019) et qu’ils diffèrent en fonction de la perception de cet humour (Saucier et al., 2019). Pourtant, les potentielles différences de perception de l’humour dénigrant des groupes en fonction de leur appartenance à la fenêtre normative n’ont jamais été investiguées. À travers sept expériences (Ntotal = 1437), cette thèse vise à étudier les effets de l’appartenance du groupe ciblé à la fenêtre normative des préjugés, des préjugés et de l'adhésion aux stéréotypes sur la perception de l'humour de dénigrement. Sa contribution est double : elle se situe à la fois sur le plan de l’amélioration méthodologique de l’étude de l’humour de dénigrement (nouveautés méthodologiques et statistiques afin de renforcer les validités interne et externe) et à l’exploration d’hypothèses nouvelles (effet de la cible de l’humour).
Dans la première partie empirique, nous avons comparé la perception de mêmes matériels humoristiques dénigrants sur le stéréotype commun de « malhonnêteté » partagés par deux groupes, l’un appartenant à la fenêtre normative des préjugés (personnes d’origine maghrébine) et le second n’y appartenant pas (hommes politiques). La seconde partie empirique reprend le même principe sur l’humour sexiste. Le recours au stéréotype de « stupidité » partagé à la fois par les hommes (en dehors de la fenêtre normative des préjugés) et les femmes (dans la fenêtre) permettait ainsi de reproduire le même paradigme pour deux autres groupes et, notamment, de tester l’effet de l’appartenance groupale. Une autre originalité de ce travail est le recours à des mesures indirectes (SC-IAT-P, Bardin et al., 2014, partie 1) et directes (i.e., questionnaires, parties 1 et 2) pour tester l’effet des préjugés sur la perception de l’humour de dénigrement.
Ce travail suggère que, plus que le matériel humoristique utilisé ou l’appartenance groupale, le groupe dénigré est un facteur prépondérant de la perception de l’humour de dénigrement. En amont, plus les individus ont des préjugés négatifs et adhèrent aux stéréotypes à l’égard de la cible, plus ils ont tendance à apprécier, à juger socialement acceptable et à évaluer comme moins offensante cette forme d’humour. Ce travail fournit ainsi une illustration supplémentaire que l’humour sexiste ou raciste n’est jamais « juste une blague ». Les résultats seront discutés en termes de perspectives visant, d'une part à établir dans quelle mesure le contexte et la source modulent l’effet et, d’autre part, dans des perspectives plus concrètes visant à avoir recours à l’humour de dénigrement afin de réduire les préjugés et stéréotypes. Ces éléments sont d’autant plus importants que cette forme d’humour est perçue aujourd’hui comme une manifestation des préjugés largement tolérée et répandue (Haut conseil de l’égalité entre les hommes et les femmes, 2019).
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L’humour de dénigrement (e.g., humours raciste, sexiste) est une forme de communication destinée à faire rire ou sourire qui rabaisse, dénigre ou diffame une cible donnée (Ford & Ferguson, 2004) en se basant majoritairement sur les stéréotypes pour faire rire (Mallett et al., 2016). Naturellement ambivalente, cette forme d’humour communique un message de dénigrement explicite associé à un message implicite qui suggère que ce message doit être pris d’une manière légère (Ford et al., 2017). Si elle peut permettre de remettre en cause le statu quo ou de souligner l’absurdité des stéréotypes et préjugés (Miller et al., 2019), ses effets sont majoritairement négatifs. Elle véhicule et renforce les stéréotypes et favorise l’expression des préjugés (Ford & Ferguson, 2004), contribue à la tolérance envers la discrimination (Ford et al., 2014) et augmente les comportements discriminatoires (Thomae & Viki, 2013). Il semblerait que ces effets soient avérés uniquement sur des groupes envers lesquels l'acceptabilité sociale de l'expression des préjugés est ambivalente (i.e., appartenant à la fenêtre normative des préjugés ; Mendiburo-Seguel & Ford, 2019) et qu’ils diffèrent en fonction de la perception de cet humour (Saucier et al., 2019). Pourtant, les potentielles différences de perception de l’humour dénigrant des groupes en fonction de leur appartenance à la fenêtre normative n’ont jamais été investiguées. À travers sept expériences (Ntotal = 1437), cette thèse vise à étudier les effets de l’appartenance du groupe ciblé à la fenêtre normative des préjugés, des préjugés et de l'adhésion aux stéréotypes sur la perception de l'humour de dénigrement. Sa contribution est double : elle se situe à la fois sur le plan de l’amélioration méthodologique de l’étude de l’humour de dénigrement (nouveautés méthodologiques et statistiques afin de renforcer les validités interne et externe) et à l’exploration d’hypothèses nouvelles (effet de la cible de l’humour).
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“Disparagement humor (e.g., racist or sexist humor) is humor that denigrates, belittles, or maligns an individual or social group” (Ford & Ferguson, 2004, p.79) by relying mainly on stereotypes (Mallett et al., 2016). Disparagement humor is an ambiguous form of communication with two competing messages: an explicit message of disparagement, along with an implicit message suggesting that this disparagement is not to be taken seriously (Ford et al., 2017). While it may challenge the status quo or highlight the absurdity of stereotypes and prejudices (Miller et al., 2019), its effects are mainly negative. Disparagement humor conveys and reinforces stereotypes and promotes the expression of prejudices (Ford & Ferguson, 2004), contributes to tolerance of discrimination (Ford et al., 2014), and increases discriminatory behaviors (Thomae & Viki, 2013). Research suggests these effects only occur when the humor disparages groups for whom the social acceptability of prejudice against is ambiguous (i.e., belonging to the normative window of prejudices; Mendiburo-Seguel & Ford, 2019) and that these effects differ depending on the perception of this humor (Saucier et al., 2018). Yet, the potential differences in perception of disparagement humor by groups based on their belonging to the normative window of prejudices have never been investigated. Through seven experiments (Ntotal = 1437), this thesis examines the effects of the targeted group, prejudices, and stereotype endorsement on the perception of disparagement humor. Its contribution is twofold: it is both a methodological improvement in the study of humor (methodological and statistical innovations to strengthen internal and external validity) and an exploration of new hypotheses (relating to the target of humor).
In the first empirical part, we examine the role of the target’s normative window position by comparing perceptions of a disparagement joke based on a stereotype of dishonesty shared by two groups: one belonging to the normative window of prejudices (people of North African origin) and the second not belonging to it (politicians). The second empirical part takes the same principle with sexist humor. Using the stereotype of stupidity shared by both men (outside the normative window of prejudices) and women (in the window) allowed us to reproduce the same paradigm for two other groups and, in particular, to test the effect of the participants group membership. Another originality of this work is the use of both indirect measures (SC-IAT-P, Bardin et al., 2014) and direct measures (i.e., questionnaires) to test the effect of prejudices on the perception of denigrating humor.
Overall, this work suggests that beyond the humor material used or group membership, the disparaged group is a predominant factor in the perception of disparagement humor. In addition, the more individuals have negative prejudices and endorse stereotypes about the target group, the more they tend to appreciate, judge socially acceptable, and evaluate this form of humor as less offensive. This work thus provides further evidence that sexist or racist humor is never "just a joke." and rely on the prejudices of the receiver to make people laugh. The results will be discussed in terms of perspectives aimed, on the one hand, to establish to what extent context and source modulate this effect, and on the other hand, in more concrete perspectives aimed at using disparagement humor to reduce prejudices and stereotypes.
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“Disparagement humor (e.g., racist or sexist humor) is humor that denigrates, belittles, or maligns an individual or social group” (Ford & Ferguson, 2004, p.79) by relying mainly on stereotypes (Mallett et al., 2016). Disparagement humor is an ambiguous form of communication with two competing messages: an explicit message of disparagement, along with an implicit message suggesting that this disparagement is not to be taken seriously (Ford et al., 2017). While it may challenge the status quo or highlight the absurdity of stereotypes and prejudices (Miller et al., 2019), its effects are mainly negative. Disparagement humor conveys and reinforces stereotypes and promotes the expression of prejudices (Ford & Ferguson, 2004), contributes to tolerance of discrimination (Ford et al., 2014), and increases discriminatory behaviors (Thomae & Viki, 2013). Research suggests these effects only occur when the humor disparages groups for whom the social acceptability of prejudice against is ambiguous (i.e., belonging to the normative window of prejudices; Mendiburo-Seguel & Ford, 2019) and that these effects differ depending on the perception of this humor (Saucier et al., 2018). Yet, the potential differences in perception of disparagement humor by groups based on their belonging to the normative window of prejudices have never been investigated. Through seven experiments (Ntotal = 1437), this thesis examines the effects of the targeted group, prejudices, and stereotype endorsement on the perception of disparagement humor. Its contribution is twofold: it is both a methodological improvement in the study of humor (methodological and statistical innovations to strengthen internal and external validity) and an exploration of new hypotheses (relating to the target of humor).
Citation bibliographique
Facca, Léo (1991-....) (2023), Est-ce vraiment « juste une blague » ? Effet du groupe ciblé, des préjugés et de l’adhésion aux stéréotypes sur la perception de l’humour de dénigrement : une approche expérimentale [Thèse]