Le vécu traumatique des douleurs chroniques
- Ayache, Raphaël Abraham (1986-....) (2023)
Thèse
Accès libre
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- Le vécu traumatique des douleurs chroniques
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- The traumatization of chronic pain experience
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- 28 septembre 2023
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- Douleurs chroniques
- Traumatisme
- Croissance post-traumatique
- Dépréciation post-traumatique
- Sensibilité au traumatisme de la douleur
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- Chronic pain
- Trauma
- Posttraumatic growth
- Posttraumatic depreciation
- Sensitivity to pain traumatization
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L’expérience des douleurs chroniques peut être bouleversante, jusqu’à ébranler le sens que les personnes donnent à leur vie et attaquer la continuité du sentiment d’exister. La répétition des douleurs divise la perception du corps et fait perdre le sentiment d’unité corporelle. Les douleurs agissent comme des intrusions qui entravent la pensée, s’opposent à la mise en acte de la volonté et usent les ressources émotionnelles et physiques. L’identité est alors menacée par la perte de rôles sociaux et par le renoncement à l’accomplissement des buts de vie valorisés. Les relations aux autres peuvent être menacées par le rejet social et la stigmatisation. A cela s’ajoute la peur envahissante de ne pas être cru(e) et compris(e) dans l’épreuve de ce mal invisible. La perception d’un manque de soutien de l’entourage et du corps soignant peut précipiter un sentiment de déchéance. Toutes ces caractéristiques rapprochent le vécu des douleurs chroniques d’une expérience traumatique en elle-même, en faisant peser la menace d’un effondrement psychologique. Pourtant, cette perspective n’est pas considérée dans la recherche sur la douleur chronique, au motif que cette situation ne répond pas aux critères étroits du trouble de stress post-traumatique. L’objectif de ce travail de thèse est donc de tester la pertinence de ce cadre de compréhension.
La première étude est une analyse par profils de participants ayant des douleurs chroniques diverses, sur la base de leurs niveaux de croissance post-traumatique (CPT) (i. e., processus de reconstruction positive), d’acceptation, de flexibilité psychologique et d’interférence des douleurs. Nos résultats montrent que l’acceptation des douleurs, associée aux niveaux de perturbations les plus faibles, n’est pas synonyme de CPT, qui suppose un ébranlement traumatique antérieur et se manifeste en présence d’une perturbation intermédiaire. Le groupe le plus envahi par les douleurs ne rapportait pas de CPT, ce qui est compatible avec le fait qu’une perturbation excessive fait obstacle à l’acceptation ou à l’émergence de CPT.
Notre deuxième étude est une analyse par profils des personnes douloureuses selon leurs niveaux de croissance et de dépréciation post-traumatiques, en comparant les niveaux rapportés de sentiments relatifs aux ruptures intra et interpersonnelles (sentiment d’injustice, de honte, de culpabilité, de défaite mentale, d’aliénation, etc…) et de symptômes psychopathologiques. Les résultats montrent une vue cohérente des manifestations émotionnelles selon que la reconstruction de sens se fait sur un versant plutôt positif, plutôt négatif ou ambivalent.
Notre troisième étude est une validation en langue française d’un auto-questionnaire évaluant la sensibilité au traumatisme de la douleur (STD), conçue comme la propension à développer des réactions à la douleur analogues à celle d’un stress post-traumatique. Les propriétés psychométriques de cet outil (testé dans des échantillons de personnes sans douleur, avec des douleurs aiguës et avec des douleurs chroniques) s’avèrent suffisamment satisfaisantes pour un usage en pratique courante.
Notre dernière et quatrième étude se penche sur les déterminants relationnels de cette STD chez des personnes douloureuses. Nos résultats montrent que l’effet d’un style d’attachement anxieux sur la STD est médié par la crainte du rejet social et par la dissimulation de soi, comme stratégie d’évitement. Le style d’attachement évitant a aussi un effet sur la STD, médié seulement par la dissimulation de soi.
Dans l’ensemble, les résultats de nos quatre études transversales confirment la pertinence d’une compréhension du vécu des personnes souffrantes, sous l’angle d’un traumatisme induit par les douleurs chroniques elles-mêmes. Ce cadre permet de repenser l’axe de prise en charge des personnes qui éprouvent le bouleversement intime induit par la chronicité des douleurs, indépendamment de leur(s) cause(s).
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L’expérience des douleurs chroniques peut être bouleversante, jusqu’à ébranler le sens que les personnes donnent à leur vie et attaquer la continuité du sentiment d’exister. La répétition des douleurs divise la perception du corps et fait perdre le sentiment d’unité corporelle. Les douleurs agissent comme des intrusions qui entravent la pensée, s’opposent à la mise en acte de la volonté et usent les ressources émotionnelles et physiques. L’identité est alors menacée par la perte de rôles sociaux et par le renoncement à l’accomplissement des buts de vie valorisés. Les relations aux autres peuvent être menacées par le rejet social et la stigmatisation. A cela s’ajoute la peur envahissante de ne pas être cru(e) et compris(e) dans l’épreuve de ce mal invisible. La perception d’un manque de soutien de l’entourage et du corps soignant peut précipiter un sentiment de déchéance. Toutes ces caractéristiques rapprochent le vécu des douleurs chroniques d’une expérience traumatique en elle-même, en faisant peser la menace d’un effondrement psychologique. Pourtant, cette perspective n’est pas considérée dans la recherche sur la douleur chronique, au motif que cette situation ne répond pas aux critères étroits du trouble de stress post-traumatique. L’objectif de ce travail de thèse est donc de tester la pertinence de ce cadre de compréhension.
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The experience of chronic pain can be overwhelming, even shaking the meaning of everyday life, and assaulting the continuity of the sense of existence. The recurrent pain splits the body perception and jeopardizes the body-self unity. Pain can be experienced as intrusions hindering thoughts, inhibiting the enactment of will, and depleting emotional and physical resources. Thus, identity is threatened by the loss of social roles and by giving up the achievement of valued life goals. Relationships with others can be threatened by social rejection and stigma. Additionally, there is a pervasive fear of being discounted and misunderstood while experiencing the ordeal of this invisible disease. The perception of a lack of support from close relatives and caregivers can trigger the feeling of mental defeat. All these characteristics make the experience of chronic pain in itself similar to a traumatic experience, posing the threat of psychological breakdown. Yet, this perspective is not considered in research on chronic pain, alleging that this situation does not meet the narrow criteria of post-traumatic stress disorder. The aim of this thesis is therefore to test the relevance of this traumatic framework.
The first study is a profile analysis of participants with various chronic pain, based on their levels of posttraumatic growth (PTG) (i.e., positive rebuilding process), acceptance, psychological flexibility, and pain interference. Our results show that pain acceptance, associated with the lowest levels of disturbance, is not equal to PTG, which implies a previous traumatic shattering and is associated with intermediate disturbance. The most distressed group did not report PTG, which is consistent with an excessive disturbance impeding acceptance or PTG to emerge.
Our second study is a profile analysis of people in pain according to their levels of posttraumatic growth and depreciation, with comparisons of the reported levels of feelings of intra- and interpersonal disruptions (feelings of injustice, shame, guilt, mental defeat, alienation, etc…), and psychopathological symptoms. The results show a coherent view of the emotional manifestations depending on whether the reconstruction of meaning is done on a rather positive, rather negative, or ambivalent side.
Our third study is a validation of the French version of a self-administered questionnaire assessing sensitivity to pain traumatization (SPT), conceived as the propensity to develop posttraumatic stress-like reactions to pain. The psychometric properties of this tool (tested in samples of people without pain, with acute pain, and with chronic pain) prove to be sufficiently satisfactory for use in current practice.
Our last and fourth study focuses on the relational predictors of SPT in people with pain. Our results show that the effect of an anxious attachment style on SPT is mediated by the fear of social rejection and by self-concealment, as an avoidance strategy. The avoidant attachment style also influences SPT, mediated only through self-concealment.
Overall, the results of our four cross-sectional studies confirm the relevance of understanding the experience of sufferers, through the lens of trauma induced by chronic pain itself. This framework makes it possible to rethink the treatment axis for people who experience a deep upheaval induced by the chronicity of pain, regardless of its cause.
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The experience of chronic pain can be overwhelming, even shaking the meaning of everyday life, and assaulting the continuity of the sense of existence. The recurrent pain splits the body perception and jeopardizes the body-self unity. Pain can be experienced as intrusions hindering thoughts, inhibiting the enactment of will, and depleting emotional and physical resources. Thus, identity is threatened by the loss of social roles and by giving up the achievement of valued life goals. Relationships with others can be threatened by social rejection and stigma. Additionally, there is a pervasive fear of being discounted and misunderstood while experiencing the ordeal of this invisible disease. The perception of a lack of support from close relatives and caregivers can trigger the feeling of mental defeat. All these characteristics make the experience of chronic pain in itself similar to a traumatic experience, posing the threat of psychological breakdown. Yet, this perspective is not considered in research on chronic pain, alleging that this situation does not meet the narrow criteria of post-traumatic stress disorder. The aim of this thesis is therefore to test the relevance of this traumatic framework.
Citation bibliographique
Ayache, Raphaël Abraham (1986-....) (2023), Le vécu traumatique des douleurs chroniques [Thèse]