La rationalité des jugements causaux : l'effet de la valence morale à l'épreuve des liens causaux et de la logique conversationnelle
- Goulette, Valentin (1996-....) (2023)
Thèse
Accès libre
-
- La rationalité des jugements causaux : l'effet de la valence morale à l'épreuve des liens causaux et de la logique conversationnelle
-
- The rationality of causal judgments: The effect of moral valence under the test of causal links and conversational logic
-
- 15 septembre 2023
-
- Jugement causal
- Rationalité
- Biais
- Pragmatique
- Blâme
-
- Causal judgment
- Rationality
- Bias
- Pragmatics
- Blame
-
-
Cette thèse s’intéresse à l’effet de la valence morale sur le jugement causal. L’effet en question survient lorsqu’un agent possédant une valence morale négative (vs. neutre ou positive) est davantage désigné comme la cause d’un dommage. Le Modèle du Contrôle Coupable soutient que le jugement causal est intrinsèquement biaisé par les réactions évaluatives des observateurs sociaux envers l’agent ayant une valence morale négative. Cependant, ni ce modèle ni le reste de la littérature ne précise l’ampleur de ce biais de jugement.
Par exemple, la question de savoir si les individus iraient jusqu’à inventer un lien causal inexistant entre l’agent et le dommage reste en suspens. Ce biais de jugement causal étant à craindre dans certains domaines, notamment judiciaire, il semble nécessaire d’étudier sa nature et les conditions dans lesquelles il se manifeste. Par conséquent, l’objectif principal de cette thèse était d’examiner dans quelle mesure le jugement causal de sens commun est biaisé par les évaluations négatives suscitées par la valence morale négative d’un agent.
Pour atteindre cet objectif, une première série d’études (n = 1081) a été menée afin de circonscrire l’effet de la valence morale et d’étudier sa relation avec deux critères normatifs fondamentaux de la causalité, à savoir la présence d’un lien causal et la force de ce lien. Les participants ont été invités à lire un récit dans lequel un agent, dont la valence morale était manipulée, et un dommage étaient présentés. Le lien causal entre l’agent et le dommage a également été manipulé (e.g., fort, faible, absent). Après la lecture du récit, les participants étaient invités à répondre à plusieurs questions, mesurant notamment le jugement causal. Les résultats obtenus semblent indiquer que la recherche d’informations peut être biaisée par l’effet de la valence morale, cela uniquement dans des situations où il existe un lien causal entre les actions de l’agent et le dommage. De plus, il semble que la force du lien causal soit également prise en compte par les individus. La grande majorité de nos participants désignait la condition ayant la plus grande force causale comme cause principale du dommage, alors même qu’un agent possédant une valence morale négative était impliqué dans l’événement. Néanmoins, l'effet du type de question posée (ouverte vs. centrée sur l'agent) sur la réplication de l'effet de la valence morale s'est avéré inattendu. Cette observation nous a conduits à examiner le rôle de l'interprétation des questions causales au sein de la tâche de jugement, en raison de la polysémie du terme cause. En nous appuyant sur l’approche pragmatique du jugement causal, nous avons analysé les récits utilisés dans la littérature pour mettre en évidence un problème méthodologique dans les études examinant l'effet de la valence morale. Deux études supplémentaires (n = 407) ont ensuite été menées afin de déterminer si le cadrage conversationnel (i.e., les informations guidant l'interprétation de la question causale) neutraliserait l'effet de la valence morale. Nos données n'ont pas corroboré cette hypothèse, renforçant alors l'hypothèse d’un biais de jugement plutôt que celle de l’ambivalence du mot cause.
L’ensemble des résultats de cette thèse apporte de nouvelles perspectives, tant sur le plan théorique qu’appliqué, quant à la rationalité des jugements causaux de sens commun. D’une part, les individus respectent prioritairement les deux critères normatifs fondamentaux de la causalité. D’autre part, l’effet de la valence morale ne semble pas s’expliquer par le cadrage de la question de jugement causal. En somme, le travail réalisé permet d’établir l’ampleur du biais de jugement que constitue l’effet de la valence morale, tout en offrant des orientations pour de futures études visant à tester des méthodes de débiaisement.
-
Cette thèse s’intéresse à l’effet de la valence morale sur le jugement causal. L’effet en question survient lorsqu’un agent possédant une valence morale négative (vs. neutre ou positive) est davantage désigné comme la cause d’un dommage. Le Modèle du Contrôle Coupable soutient que le jugement causal est intrinsèquement biaisé par les réactions évaluatives des observateurs sociaux envers l’agent ayant une valence morale négative. Cependant, ni ce modèle ni le reste de la littérature ne précise l’ampleur de ce biais de jugement.
-
-
This thesis focuses on the effect of moral valence on causal judgment. The effect in question occurs when an agent with a negative (vs. neutral or positive) moral valence is more likely to be designated as the cause of a harm. The Culpable Control Model argues that causal judgment is intrinsically biased by the evaluative reactions of social observers towards the agent with a negative moral valence. However, neither this model nor the rest of the literature specifies the extent of this judgment bias. For example, the question of whether individuals would go so far as to invent a non-existent causal link between the agent and the harm remains unanswered. As this causal judgement bias is to be feared in certain fields, notably judicial, it seems necessary to study its nature and the conditions under which it manifests itself. Consequently, the main aim of this thesis was to examine the extent to which common-sense causal judgment is biased by negative evaluations induced by an agent's negative moral valence.
To achieve this aim, a first series of studies (n = 1081) was conducted to circumscribe the effect of moral valence and investigate its relationship with two fundamental normative criteria of causality, namely the presence of a causal link and the strength of that link. Participants were asked to read a story in which an agent, whose moral valence was manipulated, and a harm were presented. The causal link between the agent and the damage was also manipulated (e.g., strong, weak, absent). After reading the story, participants were asked to answer several questions, including causal judgment questions. The results suggest that information seeking may be biased by the effect of moral valence, but only in situations where there is a causal link between the agent's actions and the harm. Moreover, it seems that the strength of the causal link is also considered by individuals. Most of our participants designated the condition with the greatest causal strength as the main cause of the harm, even though an agent with a negative moral valence was involved in the event. Nevertheless, the effect of the type of question asked (open-ended vs. agent-centered) on the replication of the
moral valence effect was unexpected. This observation led us to examine the role of interpretation in causal questions within the judgment task, given the polysemy of the term cause. Drawing on the pragmatic approach to causal judgment, we examined the narratives used in the literature to highlight a methodological problem in studies investigating the effect of moral valence. Two additional studies (n = 407) were then conducted to determine whether conversational framing (i.e., information guiding the interpretation of the causal question) would neutralize the effect of moral valence. However, our data did not corroborate this hypothesis, further supporting the judgment bias hypothesis rather than that of the ambivalence of the word cause.
The overall results of this thesis provide new insights, both theoretical and applied, into the rationality of common-sense causal judgments. On the one hand, individuals give priority to the two fundamental normative criteria of causality. On the other hand, the effect of moral valence does not seem to be explained by the framing of the causal judgment question. In sum, this work establishes the magnitude of the judgment bias constituted by the effect of moral valence, while offering guidelines for future studies aimed at testing debiasing methods.
-
This thesis focuses on the effect of moral valence on causal judgment. The effect in question occurs when an agent with a negative (vs. neutral or positive) moral valence is more likely to be designated as the cause of a harm. The Culpable Control Model argues that causal judgment is intrinsically biased by the evaluative reactions of social observers towards the agent with a negative moral valence. However, neither this model nor the rest of the literature specifies the extent of this judgment bias. For example, the question of whether individuals would go so far as to invent a non-existent causal link between the agent and the harm remains unanswered. As this causal judgement bias is to be feared in certain fields, notably judicial, it seems necessary to study its nature and the conditions under which it manifests itself. Consequently, the main aim of this thesis was to examine the extent to which common-sense causal judgment is biased by negative evaluations induced by an agent's negative moral valence.
Citation bibliographique
Goulette, Valentin (1996-....) (2023), La rationalité des jugements causaux : l'effet de la valence morale à l'épreuve des liens causaux et de la logique conversationnelle [Thèse]