La socialisation par la nature : usages des biens naturels et reproduction des rapports sociaux dans l'enfance
- Vitores, Julien (1991-....) (2023)
Thèse
Accès restreint
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- La socialisation par la nature : usages des biens naturels et reproduction des rapports sociaux dans l'enfance
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- Nature socialization : uses of natural goods and social reproduction in childhood
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- 14 novembre 2023
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- Socialisation
- Enfance
- Nature
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- Socialization
- Childhood
- Nature
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En s’appuyant sur plusieurs méthodes d’enquête (entretiens, observations, questionnaires, dessins d’enfants), cette thèse s’interroge sur les usages éducatifs ordinaires des éléments naturels. Elle met en évidence les conditions sociales de possibilité d’une appropriation éducative des espaces naturels et des éléments qui les composent. La découverte de la nature par les enfants ne se fait pas de manière parfaitement spontanée, mais engage une éducation de l’attention et du regard, subtilement étayée par les agents socialisateurs. Les connaissances enfantines sur le monde naturel reposent également sur tout un ensemble de supports matériels et graphiques qui constituent le fondement matériel d’une culture naturaliste. Cette culture élémentaire de la nature, scolairement consacrée et rétribuée, tend à devenir une forme de proto-capital culturel dès l’école maternelle, qui occasionne des profits symboliques pour les enfants qui en ont la maîtrise — et des formes de distinctions sociales entre parents. L’inégale maîtrise de ces savoirs naturalistes dans l’enfance est parfois invisibilisée par le caractère élémentaire et apparemment universel de ces connaissances, et par les discours qui insistent sur l’intérêt spontané que les enfants portent (ou seraient supposés porter) au monde naturel.
Ce qui vaut pour les connaissances relatives à la nature vaut également pour les usages légitimes des choses naturelles, et en particulier pour les injonctions à respecter ou à protéger l’environnement dans différents registres pratiques. En pratique, la sensibilisation à des usages pacifiés du monde naturel entre plus ou moins en résonance avec les habitudes et dispositions des enfants, selon leur position dans différents rapports sociaux. Le rapport social de genre est ici déterminant, dans la mesure où le soin apporté à la nature et aux êtres vivants se construit de manière précoce comme une disposition féminine, réactualisée dans divers registres pratiques tout au long de la prime-enfance. À l’inverse, les masculinités se construisent bien souvent dans un rapport agonistique aux éléments naturels, impliquant de s’engager dans des pratiques parfois plus destructrices ou prédatrices. Les enfants apprennent très tôt à percevoir la valeur relative (et genrée) de ces différentes manières de se rapporter à la nature, et reproduisent donc indirectement l’ordre du genre, dans (et par) leurs usages des choses naturelles.
De manière plus générale, la thèse met en évidence le fait que les différentes formes de socialisation à la nature et à certains de ses usages constituent toujours, et de manière indissociable, des formes de socialisation par la nature. Ainsi, se familiariser à certains usages distinctifs de la nature, c’est aussi acquérir des manières d’être et de faire transposables à d’autres domaines de la pratique — autant de dispositions qui participent à la production d’ethos de classe et de genre. La thèse souligne le rôle actif que jouent les enfants eux-mêmes dans l’appropriation de ces rapports au monde différenciés, et dans la production de leurs propres dispositions. Contrairement à la conception idéalisée d’une nature qui neutraliserait les rapports sociaux, les usages des éléments naturels révèlent et reproduisent bien souvent une distribution asymétrique des pouvoirs d’agir sur le monde et sur autrui.
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En s’appuyant sur plusieurs méthodes d’enquête (entretiens, observations, questionnaires, dessins d’enfants), cette thèse s’interroge sur les usages éducatifs ordinaires des éléments naturels. Elle met en évidence les conditions sociales de possibilité d’une appropriation éducative des espaces naturels et des éléments qui les composent. La découverte de la nature par les enfants ne se fait pas de manière parfaitement spontanée, mais engage une éducation de l’attention et du regard, subtilement étayée par les agents socialisateurs. Les connaissances enfantines sur le monde naturel reposent également sur tout un ensemble de supports matériels et graphiques qui constituent le fondement matériel d’une culture naturaliste. Cette culture élémentaire de la nature, scolairement consacrée et rétribuée, tend à devenir une forme de proto-capital culturel dès l’école maternelle, qui occasionne des profits symboliques pour les enfants qui en ont la maîtrise — et des formes de distinctions sociales entre parents. L’inégale maîtrise de ces savoirs naturalistes dans l’enfance est parfois invisibilisée par le caractère élémentaire et apparemment universel de ces connaissances, et par les discours qui insistent sur l’intérêt spontané que les enfants portent (ou seraient supposés porter) au monde naturel.
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Drawing on several investigative methods (interviews, observations, questionnaires, children's drawings), this thesis examines the educational uses of natural elements. It highlights the social conditions of the appropriation of natural spaces and elements for educational purposes. Children's discovery of nature is not a spontaneous process, but involves an education of attention, subtly underpinned by socializing agents. Children's knowledge of the natural world is also based on a whole range of material and graphic supports that constitute the material foundation of a naturalistic culture. This elementary culture of nature, enshrined and rewarded in school, becomes an elementary form of cultural capital from nursery school onwards, generating symbolic benefits for children who have mastered it - and forms of social distinction between parents. The unequal mastery of this naturalistic knowledge in childhood is sometimes made invisible by the elementary and apparently universal dimension of this knowledge, and by discourses that insist on the spontaneous interest that children have (or are supposed to have) in the natural world.
What applies to knowledge about nature also applies to the legitimate uses of natural things, and in particular to injunctions to respect or protect the environment. In practice, awareness of peaceful uses of the natural world resonates to a greater or lesser extent with children's habits and dispositions, depending on their position in different social relationships. Gender is decisive here, insofar as caring for nature and living beings is built up early on as a feminine disposition, updated in various practical registers throughout early childhood. Conversely, masculinity is often built on an agonistic relationship with the natural elements, involving sometimes more destructive or predatory practices. Children learn early on to perceive the relative (and gendered) value of these different ways of relating to nature, and thus indirectly reproduce the gender order, in (and through) their uses of natural things.
More generally, the thesis highlights the fact that the various forms of socialization to certain uses of nature are always, and inseparably, forms of socialization through nature. Thus, familiarizing oneself with certain distinctive uses of nature also means acquiring ways of being and doing that can be transposed to other fields of practice - dispositions that contribute to the production of class and gender ethos. The thesis underlines the active role played by children themselves in appropriating these differentiated relationships to the world, and in producing their own dispositions. Contrary to the idealized conception of nature as a neutralizer of social relations and inequalities, the ordinary uses of natural elements often reveal and reproduce asymmetrical distributions of power.
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Drawing on several investigative methods (interviews, observations, questionnaires, children's drawings), this thesis examines the educational uses of natural elements. It highlights the social conditions of the appropriation of natural spaces and elements for educational purposes. Children's discovery of nature is not a spontaneous process, but involves an education of attention, subtly underpinned by socializing agents. Children's knowledge of the natural world is also based on a whole range of material and graphic supports that constitute the material foundation of a naturalistic culture. This elementary culture of nature, enshrined and rewarded in school, becomes an elementary form of cultural capital from nursery school onwards, generating symbolic benefits for children who have mastered it - and forms of social distinction between parents. The unequal mastery of this naturalistic knowledge in childhood is sometimes made invisible by the elementary and apparently universal dimension of this knowledge, and by discourses that insist on the spontaneous interest that children have (or are supposed to have) in the natural world.
Citation bibliographique
Vitores, Julien (1991-....) (2023), La socialisation par la nature : usages des biens naturels et reproduction des rapports sociaux dans l'enfance [Thèse]