De la dissonance du non-film dans l’œuvre de Quentin Dupieux : un cinéma en quête d’idiotie
- Jeffroy, Pierre (1981-....) (2024)
Thèse
Accès libre
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- 2024TLSEJ030
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- De la dissonance du non-film dans l’œuvre de Quentin Dupieux : un cinéma en quête d’idiotie
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- On the Non-Film's Dissonance in Quentin Dupieux's Work : a Cinema in Search of Idiocy
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- 8 juillet 2024
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- Quentin Dupieux
- Dissonance
- Idiotie
- Métalepse
- Nonsense
- Cinéma
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- Quentin Dupieux
- Dissonance
- Idiocy
- Metalepsis
- Nonsense
- Cinema
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- L’œuvre de Quentin Dupieux, défiant constamment les règles en matière de narration et de mise en scène, relève d’une forte singularité qui s’origine dans une esthétique de la dissonance affectant chaque élément ou presque, qu’il soit sonore ou visuel. Tout dissone chez Dupieux, jusqu’à la structure des récits qui ne respecte rien, et surtout pas la vraisemblance et la tripartition aristotéliciennes. Au récit classique, Dupieux substitue d’étranges labyrinthes narratifs, dédales métaleptiques égarant les personnages comme les spectateurs dans d’improbables univers nonsensiques, utopiques au sens littéral (u-topos) qui s’ancrent dans des formes inédites de non-lieux et de hors-temps. Ces univers aporétiques s’épanouissent au sein d’une forme incertaine, paradoxale, malade, celle du « non-film », qui participe d’une esthétique de la négation et de la platitude héritée de la tradition de l’« anti-roman » ayant dénié à l’œuvre, à compter du XIXème siècle, la possibilité de dire quoi que ce soit de sérieux et de profond sur l’existence. Des choses, il n’y a rien à dire, puisqu’elles sont idiotes. Et c’est ce rien, cette idiotie que l’œuvre se charge de mettre en évidence. Non seulement le cinéma de Dupieux a pour horizon l’idiotie, mais il est lui-même strictement et parfaitement idiot, c’est-à-dire singulier, unique en son genre, refusant à toute force ce que Rosset nomme le « double », à savoir le voile du sens venu nier l’idiotie du réel. En cela, Dupieux, sur les plans esthétiques et métaphysiques, se fait l’héritier d’une tradition pessimiste et sceptique, son no reason ayant ceci de terrible qu’en niant la causalité, il formule et met en scène l’idiotie de toute chose. L’être n’est jamais que l’être. Il n’a d’autre finalité que lui-même. Les films, par conséquent, font du surplace, revêtant des formes circulaires, toute (en)quête patinant nécessairement dès lors qu’elle est ontologiquement vouée à ne mener nulle part (donc à recommencer). À défaut de pouvoir énoncer quoi que ce soit de sérieux sur le monde, Dupieux, comme Montaigne, fait le choix des fadaises, de la nonchalance. Mais sa nature prosaïque apparente, banale, n’exclut pas, loin s’en faut, une forme de poésie ni même une certaine profondeur métaphysique. Que celle-ci s’épanouisse dans la platitude et la banalité est certes paradoxal, mais le cinéma de Dupieux, dans son idiotie, formule en définitive quelque chose de vertigineux sur le réel. Hanté par la mort, il est une vanité en acte offrant une variation nonsensique et burlesque du Memento Mori. Revêtant les traits à la fois du nihilisme (le « non-film ») et du scepticisme (le no reason), son œuvre, en apparence profondément pessimiste, n’est cependant pas sans ambivalence. Le sens rôde peut-être malgré tout, chez Dupieux, et c’est bien là l’objet de ce travail qui propose de le débusquer.
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- Dupieux’s work, defying the rules of narrative and staging, is characterised by a strong singularity based on an aesthetic of dissonance present in almost all elements, be it sound or visual, in both his cinema and his music. Everything is dissonant with Dupieux, right up to his story line, profoundly dissonant in that it has no respect for anything, least of all Aristotle’s verisimilitude and tripartite concepts. Instead of the classic story, Dupieux creates strange narrative labyrinths, metaleptic mazes in which both characters and spectators are lost in nonsensical and implausible worlds, utopian in the literal sense (oύ-topos) caught in placeless, timeless forms not seen before. These aporetic worlds flourish within an uncertain, paradoxical, sick mould, that of the “non-film”, drawing on an aesthetic of negation and platitude passed down from the tradition of the “anti-roman”, removing from the novel all possibility of saying anything serious or profound on existence. There is nothing to say on things, as they are idiotic. And it is this nothing, this idiocy that Dupieux’s work attempts to articulate and to enact. Not only does his cinema aim for idiocy, but it is itself strictly and perfectly idiotic, ie singular, unique in its genre, refusing any influence of what Rosset called “le double”, the veil of sense denying the idiocy of the real. In this respect, Dupieux, on both aesthetic and metaphysical levels, becomes the heir to a tradition of pessimism and scepticism. His ‘no reason’ by brilliantly rejecting causality, creates and enacts the stupidity of everything. Being is nothing more than being. The only finality is itself. His films, as such, stand still, taking circular forms, searching in a spin as it is ontologically doomed to go nowhere (and so, to begin again). Rather than pronouncing something serious about the world, Dupieux, like Montaigne, chooses nonsense and nonchalance. But his apparent prosaic style, visibly in search of the banal, far from excludes a form of poetry or a certain metaphysical depth. That this blossoms in platitude and banality is certainly a paradox, but Dupieux’s cinema, in its stupidity, manages to create something dizzying above reality. Haunted by death, it becomes an act of vanity offering a nonsensical and burlesque variation on Memento Mori. In donning characteristics of both nihilism (the “non-film”) and scepticism, his work, while deeply pessimistic in appearance, is not without ambivalence. Meaning lurks perhaps nonetheless, in Dupieux, ans that is the purpose of this work which proposes to track it down.
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Citation bibliographique
Jeffroy, Pierre (1981-....) (2024), De la dissonance du non-film dans l’œuvre de Quentin Dupieux : un cinéma en quête d’idiotie [Thèse]