S’agiter pour travailler. Chômage, luttes pour le travail et « grèves à l’envers » dans l’Italie d’après-guerre (1945-1955).
- Camus, Baptiste (2025)
Mémoire
Non consultable
- Titre en français
- S’agiter pour travailler. Chômage, luttes pour le travail et « grèves à l’envers » dans l’Italie d’après-guerre (1945-1955).
- Auteur
- Camus, Baptiste
- Directeur de recherche
- Foro, Philippe (1962-....)
- Date de soutenance
- 3 juillet 2025
- Établissement
- Université Toulouse-Jean Jaurès
- UFR ou composante
- Département Histoire
- Sujet
- Histoire
- Mots-clés en français
- Chômage
- Chômeurs
- Italie
- Après-guerre
- Histoire sociale
- Histoire économique
- Syndicalisme
- Résumé en français
-
En 1948, le Country Study de l'ECA (Ente Communale di Assistenza) décompte 1.482.000 disoccupati. L’ISTAT compte entre 1,5 et 2 millions d’inscrits aux uffici di collocamento et certains évoquent le chiffre de 3 millions. L’industrialisation durant la période fasciste a eu un faible impact sur la répartition de la force de travail, dont 50% reste agricole. C’est donc un pays encore essentiellement rural, caractérisé par une surabondance de main d’œuvre et qui manque d’investissements productifs pour augmenter son offre d’emploi, tandis que la prise en charge du chômage reste minime.
C’est dans ce contexte que vont surgir de grandes mobilisations de sans-emplois, avec le recours à ces « grèves à l’envers », où les chômeurs vont « travailler arbitrairement », comme disent les sources de police, c’est à dire commencer un chantier, tracer une route, en réparer une ou tout autre besogne d’utilité publique afin de forcer la main aux autorités locales et les amener à approuver les travaux, les faire financer et ainsi donner un emploi à ceux qui en manque.
Que nous racontent ces luttes pour l’emploi de l’Italie d’après-guerre ? Elles nous racontent comment les sans-emplois deviennent des chômeurs.
Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale sont pour l’Italie un moment de grande détresse économique mais aussi de profonde anomie. Le désordre politique, qui subsiste bien après le changement de régime et la proclamation de la nouvelle Constitution, nourrit tous les espoirs de changements radicaux. Dans cette République « fondée sur le travail », ce dernier est considéré comme un droit. Réclamer l’ouverture d’un chantier c’est alors faire valoir son droit constitutionnel. Pour les sans-emplois, les lendemains qui chantent s’incarnent dans un monde où non seulement ils auraient un emploi mais aussi une prise sur sa gestion. Pour les métayers et les ouvriers agricoles cet espoir semble se réaliser dans la mesure des « 4 % » du « Lodo De Gasperi », après les mobilisations de 1947. Pour la CGIL c’est la lutte pour un contrôle syndical du collocamento.
Au terme de la période, les espoirs de voir le marché de l’emploi dans les mains des travailleurs est définitivement douché : la lutte de la CGIL pour assurer le collocamento est perdue, cette fonction confiée pour de bon aux uffici lavoro sous contrôle exclusif de l’Etat, les propriétaires terriens continuent de refuser de respecter le « Lodo De Gasperi ».
En parallèle on voit l’exclusion des communistes, syndicalistes et anciens partisans des équipes des uffici lavoro. Des uffici lavoro qui gagnent en capacité, réussissent à convaincre de leur légitimité et de leur compétence à gérer les besoins des demandeurs d’emploi. Dans le même temps, les campagnes se vident (+ de 50 % des actifs en 1945, 43 % e 1951, 29,6 % en 1961), réduisant le chômage agricole, tandis que les travailleurs agricoles restants sont finalement intégrés au régime de l’assurance chômage (décret présidentiel du 24 octobre 1955 n.1323). Un appareil répressif toujours plus inflexible contient la conflictualité sociale, le temps qu’elle finisse par s’auto-limiter : en 1947 la police italienne est déjà la plus large d’Europe. Le 3 février 1953, une décision de la Cour Suprême déclare que quiconque s’introduit sur la propriété d’autrui dans le but d’y effectuer un travail non requis et de prétendre à une rémunération est punissables en vertu de l’article 633 du code pénal.
La grève à l’envers se révèle un mode d’action trop peu viable, voir dangereux : en 1956 à Venosa, Rocco Girasole tombe sous les balles de la police. Les sans-emplois, politisés, mobilisés et prêts à conquérir le travail, deviennent des chômeurs : listés, devant attendre l’allocation et le chantier gouvernemental, quand ils ne migrent pas vers les villes ou à l’étranger.
C’est cette histoire que nous racontent les grèves à l’envers et les luttes pour le travail. - Accès au document
- Non consultable
Citation bibliographique
Camus, Baptiste (2025), S’agiter pour travailler. Chômage, luttes pour le travail et « grèves à l’envers » dans l’Italie d’après-guerre (1945-1955). [Mémoire]