Quelle place pour une parole littéraire dans le cinéma documentaire ?
- Puchaczewski, Frédéric (1962-....) (2024)
Thèse
- Numéro national de thèse
- 2024TLSEJ068
- Titre en français
- Quelle place pour une parole littéraire dans le cinéma documentaire ?
- Titre en anglais
- Which place for a literary speech in the documentary cinema ?
- Directeur de recherche
- Lacoste, Paul (1966-.... ; enseignant-chercheur)
- Date de soutenance
- 18 octobre 2024
- École doctorale
- ALLPH@ : Arts, Lettres, Langues, Philosophie, Communication
- Diplôme
- Doctorat en Cinéma
- Unité de recherche
- Laboratoire de Recherche en Audiovisuel - Savoirs, Praxis et Poïétiques en Art - LARA-SEPPIA
- Mots-clés en français
- Réel
- Cinéma
- Littérature
- Mots-clés en anglais
- Reality
- Cinema
- Literature
- Résumé en français
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Quelle place pour une parole littéraire dans le cinéma documentaire ?
Parmi l’ensemble de la production cinématographique existe un ensemble de films au profil singulier, qui empêche leur classification commode. Ces œuvres sont constituées d’images de type documentaire, sur lesquelles un texte littéraire est dit en voix-off. Leur dénomination, quand elle existe, hésite entre film-essai, ou ciné-poème. Mais le cocktail formé par le mélange de ces deux éléments s’avère assez indéfinissable, et aucune appellation consensuelle ne s’est imposée à l’usage. Ce type de films n’a jusqu’à ce jour jamais été l’objet d’un travail approfondi et spécifique d’analyse. C’est ce manque auquel tente de répondre notre thèse.
Dans une dimension poïétique de notre celle-ci, nous nous sommes attachés à savoir comment pouvaient être assemblées une composante visuelle tournée vers la saisie du réel et une composante textuelle relativement autonome, et libre de ses choix. Nous avons également retracé les processus d’élaboration des films étudiés. Cet aspect du problème est lié à une réflexion sur la réception de ces films, réflexion menée en amont par les cinéastes eux-mêmes : comment assurer la compatibilité de ces deux canaux sensoriels, et quelle lecture peut-on en attendre ? Ces réflexions engagent donc des problématiques de montage. En effet, dans la mesure où images et textes sont rarement en phase l’un avec l’autre, la question se pose des modalités de leur mise en rapport. Enfin, nous nous sommes demandés si ce type de films relevait d’une poétique et d’une ontologie spécifiques.
Pour examiner ces questions nous avons déterminé un corpus de cinq films, de façon à couvrir un éventail le plus large possible de cas de figure concernant le mode d’élaboration des films et les genres textuels convoqués. Ce corpus se compose de La Rabbia de Pier Paolo Pasolini (1963), The Great Wall de Tadgh O’Sullivan (2016), Lost, lost, lost de Jonas Mekas (1976), Dieu sait quoi de Jean-Daniel Pollet (1997) et Les Mains négatives (1979) de Marguerite Duras. En outre, dans une démarche de recherche-création, nous avons réalisé un court-métrage suivant le même principe de montage d’une voix-off littéraire sur des images de type documentaire.
Il ressort de notre étude que ces films s’inscrivent dans une perspective de refus et de déstabilisation des représentations ordinaires du monde. Images comme textes y sont conçus de manière à échapper aux voies moyennes et attendues dans le documentaire, distillant une instabilité au niveau de l’énonciation, des identités et des temps. Mais ceci permet en retour une souplesse, une agilité, à même de reconfigurer les représentations du réel. Le texte littéraire participe aussi d’un jeu sur la distance, entre lyrisme fusionnel et décalage amenant une prise de recul. Ce faisant, il remet en cause une approche tenant pour acquis l’objectivité de l’image documentaire. Une esthétique de l’écart met en œuvre l’ouverture du sens et rend nécessaire la co-construction de celui-ci par le spectateur. Si elle n’est pas spécifique à ce type de films, le recours au texte littéraire en multiplie les possibilités. Mais cet écartèlement engendre aussi des phénomènes de circulation. Le texte n’est pas toujours en opposition ou en rupture avec l’image ; des transferts ou des contaminations de sens apparaissent.
Plus largement, l’apparition d’un tel cinéma depuis les années 1950-1960, et sa persistance jusqu’à aujourd’hui, témoigne d’une remise en cause des grands schémas explicatifs qui avaient tenu le devant de la scène jusqu’alors. On reconnait là une problématique liée à la création artistique d’après guerre, puis de l’abandon des pointés par le concept de postmodernité. Cependant, en ces temps de multiplication des crises et des doutes, et en paraphrasant Baudelaire, nous pouvons dire que les conditions sont toujours réunies pour que la parole littéraire « plonge[] au fond [du Connu] pour trouver du nouveau ». - Résumé en anglais
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What place for a literary word in documentary cinema?
Among the whole of film production there is a set of films with a singular profile, which prevents their convenient classification. These works consist of images of a documentary type, on which a literary text is said in voice-over. Their name, when it exists, hesitates between film-essay, or film-poem. But the cocktail formed by the mixture of these two elements turns out to be quite indefinable, and no consensual name was imposed to use. To date, this type of film has never been the subject of a thorough and specific analysis. This is the lack which our thesis tries to answer.
In a poietic dimension of our own, we focused on how a visual component focused on the capture of reality and a textual component that is relatively autonomous and free of choice could be assembled. We also traced the development processes of the films studied. This aspect of the problem is related to a reflection on the reception of these films, a reflection conducted upstream by the filmmakers themselves: how to ensure the compatibility of these two sensory channels, and what reading can we expect? These reflections therefore involve editing problems. Indeed, insofar as images and texts are rarely in phase with each other, the question arises of how to relate them. Finally, we asked ourselves if this type of film was a specific poetics and ontology.
To examine these questions we have identified a corpus of five films, in order to cover the widest possible range of scenarios concerning the mode of production of films and the textual genres summoned. This corpus consists of La Rabbia by Pier Paolo Pasolini (1963), The Great Wall by Tadgh O'Sullivan (2016), Lost, lost, lost by Jonas Mekas (1976), Dieu sait quoi by Jean-Daniel Pollet, and Les Mains négatives (1979) by Marguerite Duras. In addition, in a research-creation approach, we realized a short film following the same principle of editing a literary voice-over on documentary-type images.
Our study shows that these films are part of a perspective of rejection and destabilization of ordinary representations of the world. Images and texts are conceived in such a way as to escape the medium and expected ways in the documentary, distilling instability in terms of enunciation, identities and times. But this in turn allows flexibility, agility, able to reconfigure representations of reality. The literary text also participates in a game about distance, between fusional lyricism and shift leading to a step back. In doing so, he challenges an approach that takes the objectivity of the documentary image for granted. An aesthetic of the gap implements the opening of meaning and makes necessary the co-construction of it by the spectator. If it is not specific to this type of film, the use of literary text multiplies its possibilities. But this gap also generates circulation phenomena. The text is not always in opposition or in rupture with the image; transfers or contaminations of meaning appear.
More broadly, the appearance of such a cinema since the years 1950-1960, and its persistence until today, testifies to a questioning of the great explanatory schemes that had held the spotlight until then. We recognize there a problematic linked to the artistic creation of post-war, then the abandonment of the points by the concept of postmodernity. However, in these times of multiplication of crises and doubts, and paraphrasing Baudelaire, we can say that the conditions are always there for the literary word «to plunge[] into the depths [of the Known] to seek out new». - Accès au document
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Citation bibliographique
Puchaczewski, Frédéric (1962-....) (2024), Quelle place pour une parole littéraire dans le cinéma documentaire ? [Thèse]