Engagement dans la contre-culture free party et processus de personnalisation : les parcours singuliers des membres d'un sound system
- Da Silva Correia, Julia (1993-....) (2017)
Mémoire
Accès libre
-
- Engagement dans la contre-culture free party et processus de personnalisation : les parcours singuliers des membres d'un sound system
-
- 22 juin 2017
-
- Adolescence
- Conflits
- Contre-culture
- Free Party
- Personnalisation
- Socialisation
- Sound System.
-
-
La contre-culture Free Party et les pratiques qui s’y développent sont source de beaucoup de polémiques et pourtant de nombreux adolescents continuent à s’y inscrire et à revendiquer le droit à la fête libre. Ainsi, de nombreux collectifs et Sound System organisent des Free Party dans toute la France aujourd’hui.
A partir de la revue de la littérature, des questions de recherche ont émergé : Qu’est-ce qui mène des adolescents à entrer dans le milieu de la Free Party ? En quoi les expériences de socialisation dans le cadre de la contre-culture Free Party peuvent-elles être soutenantes pour un sujet en développement ? L’engagement dans cette contre-culture est-il une façon pour les teufeurs de se positionner vis-à-vis de leur société ? Quel sens les teufeurs donnent-ils à leurs expériences en Free Party ? Qu’est-ce que celles-ci leur apportent dans la construction de leur personne ? Les expériences vécues en Free Party sont-elles source de remaniements psychologiques ? Si oui, participent-elles à un travail de personnalisation ?
La majorité des études portant sur la contre-culture Free Party s’inscrivent dans les champs de la sociologie, de l’anthropologie, d’ethnographie, des sciences politiques et ont mené une réflexion sur les dynamiques sociétales qui la caractérise. Ainsi, elles mettent à jour le fait qu’une intégration de ce milieu par les sujets révèle une remise en question du lien social tel qu’il se développe dans la société (Maffesoli, 2004) et des valeurs qui y sont véhiculées (Liogier, 2004). Pour certains, il s’agit d’une nouvelle forme d’action politique (Mabilon-Bonfils, 2004) alors que pour d’autres elle est un « effet de mode », une émanation de notre société capitaliste (Liogier, 2004, Dagnaux, 2009). Il apparait également que la participation à une Free Party est l’occasion pour les sujets de vivre des expériences corporelles, émotionnelles, esthétiques et cathartiques intenses. (Grynszpan,1999 ; Mafessoli, 2004 ; Racine, 2002 ; Kosmicki, 2009). Le fait que celles-ci induisent un état de transe chez les teufeurs (Hampartzoumian, 2004) ne fait pas consensus dans la littérature. Néanmoins, tous les auteurs s’accordent à dire que dans le cadre de la Free Party, la création et l’expression artistiques sont facilitées (Kosmicki, 2009 ; Grynszpan, 1999). Ceci permet à des teufeurs de partager leurs créations musicales, graphiques, plastiques, etc... La psychanalyse s’est intéressée à ce milieu sur un versant psycho-pathologique. En effet, le processus de dépersonnalisation qui s’est opéré chez certains teufeurs (les « scotchés ») du fait de la prise de substances psycho-actives fait l’objet de recherches dans ce champ (Fliege, 2004). Néanmoins, d’autres auteurs (Maffessoli, 2004 ; Hamparztoumian, 2004) ont mis en avant la façon dont les expériences de socialisation en Free Party peuvent souvent être constructives pour les teufeurs en les menant à rejouer le processus de séparation-individuation.
Ce travail s’inscrit dans le courant épistémologique interactionniste et a pour cadre théorique le modèle de la socialisation développé par Malrieu (1952, 2003). Ainsi, nous souhaitons appréhender de façon conjointe les processus psychologiques, les dynamiques développementales en jeu chez les teufeurs et la façon originale par laquelle ils s’inscrivent dans le lien social, investissent une culture singulière (par les oeuvres qui y sont véhiculées) et questionnent leur société
Cette recherche se donne pour objectifs de caractériser les expériences de socialisation dans le cadre de la contre-culture Free Party, d’en dégager le caractère conflictuel et de découvrir en quoi elles soutiennent un processus de personnalisation chez les membres d’un Sound System durant leur parcours. L’hypothèse générale posée est la suivante : « Les expériences de socialisation dans le cadre de la contre-culture Free Party et les conflits qu’elles génèrent chez les sujets sont source de remaniements psychologiques contribuant à un travail de personnalisation ». Afin d’opérationnaliser notre hypothèse, cinq dimensions de
l’expérience en Free Party ont été retenues : politique, axiologique, intra-personnelle, interpersonnelle et créative, artistique. Leur caractère conflictuel est appréhendé selon trois natures de « luttes psychologiques »: les conflits intra-psychologiques, interpersonnels et conflits interinstitutionnels. En ce qui concerne les remaniements psychologiques contribuant au processus de personnalisation, nous avons retenu les cinq dimensions de la personnalisation proposées par Hajjar (1995) : évolution du modèle de soi, restructuration de ses attitudes, évolution du système de valeurs, nouvelles perspectives à son existence, engagement dans l’action collective. Ainsi, quatre hypothèses opérationnelles ont pu être formulée : 1) « Le fait de s’inscrire dans une contre-culture ayant un caractère alternatif et contestataire sous-tend des conflits entre différents systèmes de références (axiologiques et politiques) chez les sujets et participe à l’évolution de leur système de valeurs » ; 2) « Les expériences interpersonnelles vécues dans la contre-culture Free-Party ainsi que l’accès facilité à la création artistique sont source de reconnaissance sociale pour les sujets et soutiennent favorablement l’évolution de la représentation qu’ils se font d’eux-mêmes » ; 3) « Les expériences intra- personnelles en Free Party et leur caractère ordalique soutiennent l’exploration de soi et induisent des remises en question personnelles participant à un travail de personnalisation, à la restructuration de leurs attitudes par les sujets » ; 4) « L’activité des sujets dans le Sound System traduit un engagement dans l’action collective sous-tendu par des conflits interinstitutionnels et motivés par l’accès facilité à la création artistique en Free Party qui leur a permis de donner de nouvelles perspectives à leur existence ».
L’approche développée est qualitative et s’inscrit dans un paradigme subjectiviste. Huit membres d’un Sound System (organisant des Free-Party dans le sud de la France), âgés de 20 à 24 ans ont été rencontrés. Trois phases de recueil de données ont été menées auprès d’eux afin de favoriser un travail d’élaboration du sens. Dans un premier temps, ils ont rédigé un écrit autobiographique, ensuite ils ont répondu à un questionnaire sur les valeurs et pour finir, ils ont participé à un entretien semi-direct. La procédure de recueil s’est étendue sur cinq mois. Les résultats obtenus ont été soumis à trois types d’analyses : thématique, développementale et dynamique.
Les résultats de cette recherche corroborent notre hypothèse générale. En effet, dans le cas des sujets rencontrés, les expériences de socialisation vécues dans le cadre de la contre-culture Free Party et les conflits qu'elles ont générés en eux ont été source de remaniements psychologiques contribuant à un travail de personnalisation. Leur intégration de ce milieu leur à permis de vivre des expériences intra-personnelles, interpersonnelles et créatives, artistiques enrichissantes. Celles-ci ont été déterminantes dans la construction de leur personne et la coloration axiologique et politique de cette contre-culture a contribué à alimenter des réflexions méta-psychologiques importantes chez eux. L’oeuvre collective que constitue le Sound System leur permet à tous de partager leurs créations, d’acquérir de nouvelles compétences, d’obtenir de la reconnaissance, de se positionner en place d’acteur de cette contre-culture et pour certains, il est un vrai projet de vie. Globalement, les résultats appuient positivement nos hypothèses opérationnelles. Seule une évolution dans leur système de valeurs n’a pas pu clairement être mise à jour. Ainsi, investiguer la façon dont il est possible de saisir les dynamiques métapsychologiques d’ordre axiologiques nous semble une piste de travail intéressante. Par ce travail, nous avons mis à jour les potentialités créatives des adolescents ou jeunes adultes engagés dans une culture marginalisée et donc leur importance quant à l’évolution de notre société.
-
La contre-culture Free Party et les pratiques qui s’y développent sont source de beaucoup de polémiques et pourtant de nombreux adolescents continuent à s’y inscrire et à revendiquer le droit à la fête libre. Ainsi, de nombreux collectifs et Sound System organisent des Free Party dans toute la France aujourd’hui.
Citation bibliographique
Da Silva Correia, Julia (1993-....) (2017), Engagement dans la contre-culture free party et processus de personnalisation : les parcours singuliers des membres d'un sound system [Mémoire]