Réflexions sur une terre loquace. Mémoire d'un traumatisme collectif lié aux épidémies à Nuku Hiva, îles Marquises.
- Gaudelus, Marie (2022)
Mémoire
Accès libre
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- Réflexions sur une terre loquace. Mémoire d'un traumatisme collectif lié aux épidémies à Nuku Hiva, îles Marquises.
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- 6 décembre 2022
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- traumatisme collectif
- Épidémie
- Covid-19
- Évènement
- Crise
- anthropologie historique
- géographie de la mémoire
- trace îles Marquises
- Polynésie française
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Ce travail est le résultat d’une enquête ethnographique en 2020 et 2021 sur l’île de Nuku Hiva, îles Marquises. En partant du vécu de l’épidémie de Covid-19 localement, j’ai pu constater un lien aux épidémies passées qui ont décimé la population marquisienne aux XIXème et XXème siècles. À partir d’anecdotes que les Marquisiens/Marquisiennes me racontaient sur le passé, couplées à des sources écrites, j’ai tenté d’utiliser le principe d’histoire régressive pour mieux comprendre comment les épidémies passées s’entremêlaient avec d’autres évènements contemporains tels que la colonisation ou l’évangélisation. Cette conjoncture de phénomènes entraînant la disparition physique et culturelle d’une population ont formé un ethnocide, une véritable crise qui fait rupture dans l’histoire marquisienne et qui fait traumatisme.
La mémoire des épidémies passées ressurgit dans le contexte similaire de processus épidémique de la Covid-19 qui existe par les médias mais pas localement. La Covid-19 n’est pas juste une maladie, c’est aussi une crise aux multiples dimensions affectant le monde, mais qui renvoie localement à d’autres histoires, d’autres vécus et d’autres crises. Les épidémies passées, comme celle de Covid-19, viendraient cristalliser une période de transition avec un bouleversement du mode de vie qui délimite un « avant » et un « après ». Il n’y a pourtant pas de mise en récit des épidémies passées et de l’ethnocide dans une mémoire collective aux Marquises. Le silence qui se révèle par différentes pratiques comme l’oubli, le doute ou le secret, pourrait être interprété comme le marqueur du traumatisme de l’ethnocide qui perdurerait encore jusqu’à aujourd’hui, de façon transgénérationnelle. Si on ne connaît pas nécessairement le contenu de la mémoire, il y a cependant toujours la mémoire d’une mémoire qui se caractérise par la perte de ce qui a été mais qui n’est plus. Cette mémoire de la perte qui se retrouve dans chaque famille relie les Marquisiens/Marquisiennes entre eux/elles et dessine une communauté.
Le support de cette mémoire transgénérationnelle se fait par la pratique du territoire. Les détails de l’histoire marquisienne se retrouvent accrochés aux détails du territoire, des éléments naturels ou anthropiques, qui sont autant d’indices pour qui sait les lire. Par l'exploitation de la notion de trace, à travers les exemples des restes humains et des vestiges lithiques, je présente que ceux-ci contiennent des histoires qu’il faut activer, par la présence d’une similarité de contextes ou en posant des questions dessus, permettant ainsi d’avoir accès à ce qui ne se dit pas en temps normal. La mémoire de la perte peut être réactualisée par une forme de présentification lorsque le contexte actuel s’y prête. C’est peut-être ce lien symbolique et pratique au territoire qui permet de conserver mais non pas d’intégrer la mémoire de ce qui a fait traumatisme sur le temps long. Le territoire marquisien porte des empreintes incorporées de l’ethnocide et donc du traumatisme. En partant d’une interrogation sur les épidémies, je suis arrivée à l’attachement au territoire qui est tout à la fois vecteur identitaire mais aussi un rappel constant des différentes pertes vécues par les Marquisiens et qui font traumatisme.
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Ce travail est le résultat d’une enquête ethnographique en 2020 et 2021 sur l’île de Nuku Hiva, îles Marquises. En partant du vécu de l’épidémie de Covid-19 localement, j’ai pu constater un lien aux épidémies passées qui ont décimé la population marquisienne aux XIXème et XXème siècles. À partir d’anecdotes que les Marquisiens/Marquisiennes me racontaient sur le passé, couplées à des sources écrites, j’ai tenté d’utiliser le principe d’histoire régressive pour mieux comprendre comment les épidémies passées s’entremêlaient avec d’autres évènements contemporains tels que la colonisation ou l’évangélisation. Cette conjoncture de phénomènes entraînant la disparition physique et culturelle d’une population ont formé un ethnocide, une véritable crise qui fait rupture dans l’histoire marquisienne et qui fait traumatisme.
Citation bibliographique
Gaudelus, Marie (2022), Réflexions sur une terre loquace. Mémoire d'un traumatisme collectif lié aux épidémies à Nuku Hiva, îles Marquises. [Mémoire]